Du Sanctuaire de Romuva

De lourds nuages s'amoncelaient à l'ouest, Povilas Ohk'Walk, grand prêtre de Saule, l'avait lu dans les augures. Potrimpos le Dieu protecteur des moissons l'avait annoncé lors des fêtes des récoltes. Lors de la présentation des épis sacrés, le prêtre en charge de la réserve avait été horrifié de trouver les sacs mangés par la vermine. Cela s'était déjà produit trois siècles plus tôt, lorsque le moine chrétien Adalbert de Prague avait pénétré le bois sacré. Il avait fallu immoler le sacrilège et officier pendant une année entière afin de laver la colère des Dieux. Le destin bégayait aujourd'hui et Nadruvia allait encore avoir à subir la colère divine. Le prélat le savait. Il l'avait reçu en songe de Saule, la Grande Déesse tutélaire de Nadruvia, elle qui brillait le jour, étendue sur Dievs, le Ciel, donnant à ses enfants de Nadruvia, la force et la chaleur de son sein. L'épisode des grains en faisait que confirmer ses craintes.

Povilas l'avait en effet rêvé, au solstice de l'été, deux ans auparavant, la 3ème année du règne de Percunis, car Saule, maîtresse du jour, transmettait toujours ses messages à ses fidèles la nuit, en cachette de Meness, la lune. Ce songe fut d'une clarté et d'une précision étonnantes, Povilas en tremblait encore aujourd'hui. Il y avait vu une croix, gigantesque et noire, plantée au centre du cercle sacré de Romuva, et l'arbre du Monde abattu, calciné, offert en bûcher au Dieu de ces teutoniques. Ces noirs chevaliers précipitaient tous les borusses, le peuple de Nadruvia et les autres clans borusses, dans ce brasier. Ils étaient offerts en sacrifice à ce Dieu unique, terrible, dans un gigantesque incendie, dévorant les vieillards, les femmes et les enfants de cette terre. Povilas avait également eu en songe l'écho des terribles batailles qui s'étaient livrées dans les plaines. Il avait vu les guerriers des clans défaits dans ces combats, capturés puis décapités et laissés aux chiens et aux charognards.

L'homme d'église avait été terrifié par cette révélation et il n'avait pu retenir ses larmes. Longtemps il avait pleuré le martyr annoncé de son peuple, considérant que les Dieux avaient donné leur sentence et que rien désormais ne pouvait plus être tenté. Puis, dans la solitude du sanctuaire de Romuva, il avait retrouvé la paix et la sérénité et avait entrepris de prier et d'adorer les Dieux de ses ancêtres, ceux de tous les Borusses, animé par la volonté d'apaiser leur colère. Attendant sans succès le moyen de contenter les Dieux et d'éviter cette peine atroce, Povilas se découragea. Les Cieux se tenaient silencieux et obscurs.

En désespoir de cause, vaincu et humilié, Povilas, grand-Prêtre de Saule et commandeur du sanctuaire de Romuva se décida enfin à s'ouvrir à Percunis, chef de Nadruvia, de ce terrible secret. Ce dernier écouta la révélation du songe, sans frémir, imperturbable et insensible à la peur, fidèle à l'image du grand guerrier qu'il était.

Percunis resta longtemps silencieux, analysant le récit du prélat. Il ne connaissait que peu les mystères de Saule et de la trinité Borusse. Cependant, il voyait dans ce récit et la chute de l'arbre Perkwus, un moyen de redonner aux borusses l'unité qui les avait quittés. Il fallait pour défendre Romuva et l'arbre Perkwus, redonner à ce sanctuaire, l'importance qu'il avait du temps de ses ancêtres. Il fallait que, de toutes les contrées de l'aire borusse, des pèlerinages soient organisés, que, par sa ferveur, ce peuple montre aux Dieux son attachement et sa piété. Ainsi les divinités seraient apaisées et chasseraient l'envahisseur.
Il fallait appeler de tous les confins les prêtres à la défense de cette terre sacrée. Les prêtres sauraient faire marcher les guerriers et, de Romuva, Percunis se disait que lui, chef des Nadruviens saurait trouver les mots qui les feraient marcher ensemble et combattre l'ennemi commun. Il se tourna vers Povilas et, d'un ton martial, dans lequel Povilas retrouva en un instant toutes les promesses de l'avenir, lui commanda:

"Tu dois protéger Romuva et appeler tout le clergé Borusse à sa défense. Il faut organiser de vastes pèlerinages, que chacun puisse, de toutes les terres, fussent-elles amies ou ennemies, sacrifier aux divinités. Il faut que tu donnes le message de Saule et que ta vision, grand-Prêtre, soit connue. Que les coureurs aillent sans faillir et sans repos vers les pays des sambiens, des natangiens, des bartiens, des galandiens. Qu'ils courent jusqu'en Sasnie, en Warmie, en Lubavie, en Pogésanie et en Pomésanie, qu'ils poussent jusque dans les terres poméraliennes pour rappeler l'importance du sanctuaire de tous les Borusses !!

Que les coureurs aillent également chez les sclaves et les sudoviens, les samogites, les Coures et les lithuaniens, nos frères de religion, qui prient les mêmes Dieux que nous, afin qu'ils se rappellent Romuva et l'Arbre sacré !

Que les peuples du Nord protègent Romuva et la culture Borusse afin que vivent les Dieux et l'arbre-Monde !!"

Alors Povilas sut qu'il y avait de l'espoir en ces terres et que la Croix Noire pouvait être vaincue. Il se mit à pleurer, mais cette fois, ce fut de joie et ses larmes furent adressées à Saule.

La rumeur de cette vision se répandit à travers toutes les contrées de Nadruvie. On dit même qu'elles allèrent bien au delà des frontières. Face à de telles révélations nombreux furent ceux qui prirent peur et bien vite la peur laissa place à la rage.
Tout le peuple Nadruvien met alors sa confiance en son puissant chef pour les guider et empecher cette catastrophe d'arriver. Ainsi la Nadruvie voit sa stabilité ainsi que la fidélité des autres chefs s'améliorer.



(Merci pour ce RP et cette vision. Qui sait si elle se réalisera ?...)